II:MMX
Clubroot
En 2010 il est un lieu commun d'admirer Burial, de vénérer sa patte unique et son implication dans un dubstep taillé pour un très large public. La mise en scène autour d'Hyperdub (bien souvent orchestrée par la bible du college rock Pitchfork) a fait de ce vivier de talents – dont fait partie Burial – le must pour une meute de singes en costume hype. Pourtant en 2009, il est un phénomène beaucoup plus confidentiel, consacré par tous les amateurs de dubstep, qui a prouvé qu'il avait toutes les qualités pour faire vaciller l'empire de Burial. Ce phénomène sorti de nulle part s'appellait Clubroot et son premier album était une mise en abîme fantastique autour des rythmes 2-step et des ambiances enfumées, évoluant dans un monde où l'ambient charnelle et romantique avait autant d'importance que l'urgence du beat.
Des milliers d'auditeurs ont pris ce premier long format pour une promesse folle. Mais comme toute promesse, celle-ci ne pouvait s'accomplir que dans la confirmation. Moins d'un an plus tard, on retrouve donc Clubroot assis sur le dossier d'un banc d'une gare déserte, tenant à la main ce qui lui servira de passeport vers notre éternelle reconnaissance: un deuxième album unique et indispensable. Il serait d'ailleurs insultant de baser notre argumentaire sur une vulgaire comparaison avec Burial. Car si les deux Anglais vouent un culte aux voix évanescentes et aux sombres virées, il demeurerait toujours aussi incongru de penser l'un comme le maître de l'autre. D'autant plus que si un rapprochement était à faire, il serait plus pertinent de l'établir avec une autre grande figure du dubstep anglais, le grand Kryptic Minds, maître incontesté des samples aussi embrumés qu'abrasifs qui avait fait trembler la terre avec One Of Us.
Clubroot serait donc une histoire de lointains cousins. Une histoire qu'on préfère voir comme un tissus d'influences diluées dans une musique qui a su prendre son envol seule, refusant la production « en bloc » de Burial et stimulant le halfstep de Kryptic Minds par un recours vivifiant aux samples post-rave dépressifs et éclairés. Il reste donc cette ultime snare boisée qui claque comme un coup de tonnerre – dernier remerciement à sa mère le UK Garage – et les rêves d'un dubstep qui est bien moins chill-out qu'on ne voudrait l'imaginer. Un disque juste : équilibré entre rage et tristesse, désabusé et pourtant toujours militant. Cette force première qui fait du dubstep ce qu'il est ne s'invente pas, ne se copie pas. Elle se vit et se transpire comme un mal en soi, comme un dernier espoir de renaissance. L'urgence est une vertu que bien peu ont su instrumentaliser de la sorte, et c'est très certainement en ceci que II-MMX est indispensable, afin que la conscience ne s'efface jamais. Certains appellent ça le syndrome du dernier bus, la frontière à partir de laquelle la nuit porte autant de peurs que d'espérances. Branchez le casque, Clubroot sera votre meilleur compagnon de route.