Harbored Mantras
Water Borders
Quand on pense witch house, on pense Tri Angle. C’est un fait désormais incontestable. Pas difficile d’en arriver à tel constat pour quiconque a pu jeter une oreille sur la musique de oOoOO, Balam Acab, Holy Other ou Clams Casino. Pourtant si on est ici à vous écrire ces quelques lignes, c’est pour évoquer le cas d’une formation aux contours de Petit Poucet sur cette structure en devenir. Ce n’est pas compliqué, on a à peine entendu parler de ce premier effort du duo formé par Amitai Heller et Loric Sih. Fidèle à la tradition du label, Water Borders entame sa discographie avec une plaque à la mi-chemin entre le EP et l’album. Quarante minutes pour faire la différence. Et surtout, quarante minutes pour nous prouver à nouveau que les outsiders peuvent parfois faire aussi bien, si pas mieux encore, que les valeurs sûres.
Si le cahier des charges du label est plutôt stable – entendez par là un mélange équilibré de post-dubstep, de screw et d’ambient tétanisante – ce Harbored Mantras prend très rapidement des chemins de traverse. Les ambiances gothiques sont de mises certes, mais Water Borders se révèle assez vite comme une entité démesurément habitée, pour ne pas dire totalement mystique. Ca commence souvent avec une introduction toute en nappe, et ça se poursuit avec des percussions ethniques, des saccades lourdes et étouffées qui rappellent directement un passé dubstep avoué. Et puis il y surtout ces tournoiements permanents, ces constructions cycliques qui blindent la transe et qui creusent toujours un peu plus bas pour offrir à Harbored Mantras toute la densité nécessaire à un grand voyage. Dans cette volonté d’offrir une messe noire toute en nuances aériennes, un effort tout particulier a été réalisé dans le traitement des voix : entre un Panda Bear en forme et un Scott Walker complètement giclé – imaginez si vous voulez encore un David Bowie à l’article de la mort – le chanteur invoque des trucs, en pleure d’autres et plonge cette plaque dans une torpeur psyché du meilleur effet. Et si ce n’est toujours pas suffisant, vous tomberez alors sous les coups de ces chorales de gamins drogués, ces volutes vocales plus ou moins lointaines.
Difficile de trouver un véritable point faible à ces neufs titres. Un travail intense et consistant, surtout pour un premier album, qui se révèle d’écoutes en écoutes, pour finalement en faire l’une des meilleures sorties du genre depuis son arrivée. Si vous aimez les trips sataniques pour fillettes, les slashers sous opium ou tout simplement l’esthétique witch house, on ne peut que trop vous recommander de passer par la case Water Borders. Une petite pépite quand on y pense.