GO:OD AM
Mac Miller
Pour vraiment comprendre comment Mac Miller en est arrivé à nous pondre un disque comme GO:OD AM, il est essentiel de revenir en arrière. Tout commence en 2011 avec un premier succès commercial, « Donald Trump ». Le single (qui devrait être l'hymne de campagne du candidat milliardaire) dévoile au rap-jeu un petit blanc originaire de Pittsburgh du nom de Mac Miller, dont l’énorme potentiel va se dévoiler au fil des années.
En 2012, les poches remplies du succès de son premier album Blue Side Park, le rappeur déménage à L.A., s’achète une villa sur les hauteurs de Hollywood et y fait construire deux studios d’enregistrement. Le lieu, rapidement baptisé le Sanctuaire, deviendra un squat pour de nombreux locals tels Earl Sweatshirt, ScHoolboy Q ou Ab-Soul. Dans ce bouillon de créativité et de psychotropes, le rappeur va repousser ses limites et subir une véritable mutation : afin de soulager des pulsions musicales improbables, l’esprit de Mac Miller va se diviser en plusieurs alter egos qui donneront naissance à autant de projets improbables.
Tout d’abord, sous l’alias Larry Lovestein, il balance un EP de Jazz sur lequel il chante avec une voix douce et mélodieuse sur des instrus lounge, puis il se lance dans la production en tant que Larry Fisherman (avec la beattape Run On Sentences. Volume 1). En 2013, c’est bien sous son blase habituel qu'il livre le génial Watching Movies With The Sound Off - sur lequel il produira 5 sons en tant que Larry Fisherman. Enfin, il retourne bosser en studio sous un troisième pseudonyme, Delusional Thomas. Cette dernière incarnation est un personnage troublé à la voix aigüe et perchée, du Mac Miller sous hélium. Les thèmes abordés dans la mixtape éponyme frôlent l’horrorcore avec des textes d’une extrême violence permettant au rappeur d’exprimer pleinement ses pulsions sadiques.
Nous voilà enfin deux ans plus tard, et à 23 ans seulement, Mac Miller nous livre déjà son troisième album, qui se révèle être un cocktail magique de tous les éléments cités précédemment. La sobriété de Blue Side Park (qui déteint sur le single « 100 Grandkids ») se mélange parfaitement au monde parallèle ouvert par WMWTSO, via le délicieux « Time Flies » par exemple. On remarque également l’influence de ses nombreux alter egos (un peu de Larry Lovestein sur le soulful « Doors » et de Delusional Thomas sur le dérangé « Perfect Circle ») ainsi que l’équilibre parfait trouvé entre le rappeur et ses invités (on reprend espoir en Chief Keef après avoir écouté « Cut The Check »).
Dans la discographie de Mac Miller, si Blue Side Park représente une belle après-midi ensoleillée et WMWTSO la soirée sous acide qui s’en suit, alors GO:OD AM représente (littéralement) le lendemain matin. Un nouveau jour se lève et on retrouve un Mac Miller, baillant au réveil, qui regroupe l’ensemble de la musicalité acquise la veille dans un seul disque, sans aucun doute le plus abouti et accessible de sa jeune carrière.
Depuis qu’Eminem a disparu dans les sombres abysses d'un son rap-rock tout pourri du slip, le rappeur de Pittsburgh est parmi les très rares emcees blancs encore en mesure de nous surprendre, de nous captiver et de délivrer un produit crédible en 2015 - un podium qu'il compose avec le vétéran El-P et le bibendum roux Action Bronson. En fait, Mac Miller est aujourd'hui au rap jeu ce que Christophe Lemaitre est à l’athlétisme : un des rares blancs capables de suivre le rythme infernal de ses concurrents noirs. Sans zozoter, le rappeur de Phillie enchaîne les prestations remarquables. Et force est de constater qu'on voit sa tronche sur la photo finish suffisamment souvent à notre goût.