G I R L
Pharrell Williams
Aborder sereinement un album de Pharrell Williams qui débarque à un moment où même ta daronne est capable de reconnaître sa voix, c'est forcément délicat: quand toi tu as été bercé par les albums de N*E*R*D, Kelis ou Clipse, tu es maintenant obligé de composer avec un type devenu l'idole des jeunes en faisant le con avec un haut de forme grotesque, en jouant le faire-valoir pour deux Français casqué ou en se dandinant du fion à côté de la bombe atomique Emily Ratajkowski. Mais tu le sais bien: ce n'est pas pour ses récents faits d'arme que l'on se souviendra de Skateboard P. L'histoire est désormais derrière lui, et il ne fait finalement que capitaliser sans trop d'audace sur toutes ces années où lui et Chad Hugo régnaient en maîtres absolus sur le rap US et la pop mainstream. Une ère dans laquelle sa carrière solo n'est qu'une goutelette dans l'océan de productivité qui a caractérisé une carrière qui n'a de cesse d'inspirer.
Car In My Mind, soyons honnêtes, ce n'était pas bien mirobolant : un "Mr. Me Too" bis avec Gwen Stefani par-ci, un "Beautiful" bis par-là avec Snoop Dogg... Bref si l'on exclut ce rework incroyable de l'album par Questlove – qui n'a d'ailleurs jamais profité d'une sortie physique – ce premier disque en solo n'avait rien de bien neuf sous le capot, et recyclait les meilleures idées des Neptunes. Et c'est un peu le même constat avec G I R L, qui choisit de se poser en digne successeur des grosses sorties qu'ont été Random Access Memories ou The 20/20 Experience: des albums à concepts qui se vendent à la seule force de leurs singles matraqués, qui optent pour des positions ouvertement rétrogrades, réhabilitant un goût assez dérangeant pour le recyclage. Allergiques aux guitares funk et aux violons à outrance s'abstenir : tout du long, on est dans la droite lignée de "Get Lucky" ou "Blurred Lines". Et forcément rien ne dépasse, tout est posé, rondouillard comme avait pu l'être Nothing à sa sortie, par exemple. Sauf qu'aucune urgence, aucune bousculade ne vient rompre le tranquille fil narratif de l'album, et si l'on se heurte l'oreille à quelques trucs un peu plus catchy que le reste ("Gush" ou la seconde moitié de "Lost Queen"), ce second solo confine en majorité à une déprimante stérilité et semble pensé dans une optique de séduction des masses vide d'ambition.
Alors, de là à dire que G I R L est un mauvais album, il y a un pas qu'on ne franchira pas. Disons que c'est un album gentil, dont la seule réelle surprise est de sortir deux semaines après son annonce, et de consacrer une seconde jeunesse médiatique à la légende de Virginia Beach. Pour le reste, difficile de retrouver la fraîcheur et les frissons d'antan dans ce second album solo, taillé sur mesure pour ceux et celles que le Pharrell de 2013 a fait mouiller plus que de raison, et qui veulent un peu de rab, quitte à s'avaler un cahier des charges bien plus léger qu'à l'accoutumée. A priori, on est donc face au genre d'album qui ne mériterait pas trois paragraphes s'il n'était pas signé des paluches de pareille sommité.