Freezing Opening Thawing EP

Shackleton

Woe To The Septic Heart! – 2014
par Simon, le 12 mars 2014
9

Il existe plusieurs incarnations de Shackleton. On parle ici d'un artiste qui a tant affiné sa prose qu’on pourrait presque le séparer en plusieurs entités bien distinctes. Le Shackleton rigide de Soundboy Punishments tout d'abord, qui foutait des claques post-dubstep tribal infiniment longues et répétitives et a vite laissé place à un deuxième Shackleton, concentré sur le sound-design et la texture (on pense à tout le travail effectué sur Soundboy’s Gravestone Get Desecrated By Vandals, son Three EPs ou le Death Is Not Final EP). Troisième étape de la mutation, son impeccable sélection pour la série Fabric, sa collaboration avec Pinch ou des claques comme les EPs Deadman et Fireworks. Sa musique s'est peu à peu vidée de toute appartenance à un dubstep auquel il ne s’est jamais tout à fait apparenté, laissant place à un contenu plus abstrait, infiniment dynamique et exigeant. Une bass music chaque fois plus singulière, toujours plus excitante.

Cette rétrospective plus ou moins exhaustive nous amène à la dernière mutation de notre Anglais, celle incarnée par son label Woe To The Septic Heart, dépositaire des ses productions les plus récentes et décalées. Une dernière mutation mise en marche avec l’excellent Music For The Quiet Hour et ses Drawbars Organs EPs, qui cristallisent un Shackleton sous cloche et dont le tribalisme de la musique a atteint une sorte de perfection sur presque tous les plans: synthèse digitale, éclatement de la transe sur un terrain toujours plus vierge, maestria de la composition et dynamisme de la narration. Si bien que le producteur devient chaque jour un peu plus légendaire, comme sur ce Freezing Opening Thawing EP qui nous montre un artiste toujours affamé (sa longévité est incompréhensible à ce stade), fou d’artifices sonores (moins de samples pour plus de création polyrythmique), qui place Istanbul et la forêt amazonienne en chambre stérile. Cela donne un résultat totalement singulier et génial, comme si Shackleton avait commencé à produire hier (rappelons que notre esthète bosse depuis dix ans sur son projet) alors qu'il est probablement l'artiste le plus cohérent et le plus abouti que la génération bass music ait pu enfanter. A ce stade, cet EP sonne comme une énorme consécration.