Four Phantoms
Bell Witch
La logique du doom metal peut paraître simple : au-delà des instruments traditionnels qui font le metal, il faut de la lenteur et de la lourdeur. Beaucoup de lourdeur. Infiniment de lourdeur, et plus il y en a, plus le spectacle est réussi. Outre une batterie absolument centrale qui tape tel le fossoyeur sur les clous de ton cercueil, il te faudra également un (ou plusieurs) types qui massacrent tout à la guitare. On veut que les accords soient joués plus bas que terre et que l’ensemble de la masse fasse l’effet d’un sac de sable de cinquante kilos sur tes épaules. C’est ce qu’on appelle un cahier des charges, et le respecter est un gage de sérieux dans le milieu. Quand on apprend que Bell Witch – duo monté sur la légende d’un poltergeist hantant une forêt américaine – joue du doom metal à l’aide d’une simple guitare basse et d’un kit de batterie, on était forcément sceptique, ou en tous cas drôlement intrigué.
Pourtant Four Phantoms n’a rien d’une blague. Que du contraire. Signé sur la référence Profound Lore, le disque propose quatre pistes (allant de 10 à 22 minutes) d’un doom absolument triste, lourd et habité. L’absence de guitare, contrebalancée par des techniques sonores assez incroyables sur la basse, est, contrairement à ce qu’on aurait pu imaginer, plus une force qu’une faiblesse dans la mesure où elle force le groupe à proposer de la lourdeur autrement, plus en minimalisme, plus en diffusion. On navigue vite dans un espèce de faux rythme, avec une langueur morbide entrecoupée de vocalises qui se traînent, allant du grognement de yéti aux lamentations pastorales.
Car en l’absence de guitare, Bell Witch mise tout sur l’ambiance, l’immersion et la narration. Une véritable réussite quand on voit la rapidité avec laquelle on intègre ces quatre histoires, chacune portant sur un fantôme condamné au supplice par un des quatre éléments naturels, comme un conte naturaliste totalement incarné. On lance ce disque comme on ouvre un livre de récits mythologiques, on souffre avec les « personnages », on se projette le temps d’une longue et lente narration. Au bout de l’heure passée avec les deux ricains, on se sent rempli à ras bord de solitude, d’histoires et de lumière. Une musique de contemplation, immensément triste et humaine.