Electronics

Zeitkratzer & Terre Thaemlitz

Zeitkratzer – 2008
par Simon, le 21 février 2009
8

Souvent considéré comme un sommet en matière de musique contemporaine, l’orchestre Zeitkratzer n’en finit pas d’étonner en proposant à nouveau des collaborations explosives, fruit d’une maturité musicale à toute épreuve. C’est que cet orchestre, composé de neuf membres venus des quatre coins de l’Europe et dirigé par le grand Reinhold Friedl, a un carnet d’adresse bien rempli : Merzbow, Lou Reed ou encore Karlheinz Stockhausen forme la pointe de cet iceberg démesuré. Fonctionnant exclusivement sur le mode de la collaboration, cet orchestre propose à ces héros de tous genres confondus (ambient, expérimental, noise, pop, rock,...) l’enregistrement de sessions exclusives, devenant alors le dixième homme, indispensable comme la dernière pièce d’un puzzle, histoire que jamais cet orchestre ne sonne comme la collaboration d’avant, ni même celle d’après.

De tous les artistes s’étant présentés aux portes de l’institution Zeitkratzer, Terre Thamelitz est très certainement le plus incongru à première vue : producteur américain travaillant dans l’underground mondial pour promouvoir se soirées en soirées une variété de genre allant de l’electro-jazz à la deep house en passant par la pop ou la musique contemporaine. C’est très certainement cette ouverture d’esprit qui vaut à Terre Thaemlitz l’honneur d’être invité à ce qui s’annonce comme la plus périlleuse de ses collaborations.

L’éclatement des genres, une paraphrase qui résume en tous points l’entreprise en présence. Ni vraiment house, ni totalement pop ou jazz, Terre Thamelitz enchaîne les pirouettes pendant une heure pour ne jamais s'enfermer dans un genre. S’il est difficile de poser un cadre autour de l’américain, dire de cette collaboration qu’elle est franchement barrée est un moindre mal car c’est vraiment le sentiment de liberté totale qui s’impose ici. Passant d’un air de pop tribale scandée en fanfares  (« Down Home Kami-Sakunobe ») à un hybride free-jazz/house à peine avoué, Terre Thaemlitz et l’orchestre qui l’accompagne saute titres en titres sur la pointe des pieds afin de ne faire aucune violence aux genres qu’il emprunte. Mais il ne faut certainement pas croire que Terre Thaemlitz ne sait pas ce qu’il veut : chaque choix est ici assumé jusqu’au bout, condition requise pour aller puiser la substance même de sa collaboration avec Zeitkratzer. Et même quand celui-ci décide de plonger dans les méandres d’un ambient atone, celui-ci parvient à en ressortir l’une ou l’autre batterie jazz à la finesse appréciable pour toujours mieux croiser les différents espaces sonores mit à sa disposition.

Cette collaboration nous présente finalement un artiste libre comme l’air, déroutant par sa manie d’être partout à la fois, allant jusqu’à transgresser la politique même de cet orchestre en proposant une mise en boîte à mille lieux de ce à quoi cette institution pouvait s’attendre. Le résultat est édifiant de passion partagée, de synthétisme musical et de conscience inconsciente, sûr que Zeitkratzer signe là sa collaboration la plus osée et la plus vivifiante. Très beau travail.

Cette chronique fait partie d'un tryptique. Les pièces manquantes de ce puzzle se trouvent ici et .