Criminal

The Soft Moon

Sacred Bones Records – 2018
par Michael, le 5 février 2018
8

The Soft Moon n’a jamais rien eu de soft, ça on le savait depuis 2010 et ce premier album éponyme. Pas vraiment un habitué des playlists de communion et de mariage, Luis Vasquez avait touché le fond de la noirceur avec Deeper, un album claustrophobique au possible, suintant le mal-être et la dépression par tous les pores. Pourtant force est de constater qu’avec Criminal, le Californien s’enfonce encore un peu plus profondément et durablement dans les sables mouvants d’une psyché qui s’avère plus touffue et épineuse qu’une haie de pyracanthas. 

Criminal porte comme son prédécesseur parfaitement son nom. Vasquez s’en est largement expliqué: il s’agit d’un album sur la culpabilité, thème à la fois auto-centré et totalement universel, qu’on ait ou non baigné comme l’américain dans une stricte éducation catholique. La liste des titres parle d’elle-même - « Burn », « Choke », « The Pain », « It Kills », « ILL » ou « Like a Father », chanson sur le père que Vasquez n’aura jamais connu. Au final, il n’y a que « Give Something » pour entrevoir une vision plus optimiste pour le futur. La question est aussi ancienne que la musique existe: est-ce cette dernière qui encourage la dépression ou la dépression qui déteint sur elle ? Sans doute un subtil mélange des deux, le tout agrémenté comme c’est le cas pour Vasquez d’un exutoire paradoxalement très impudique pour quelqu’un qui semble au civil plutôt discret.

En serait-on donc resté au même point que sur Deeper ? Pas exactement: il y a une évolution et celle-ci se manifeste principalement sous deux aspects. Premièrement le chant. Vasquez a pris des cours et ça s’entend. Non que celui-ci fût disgracieux auparavant, mais il est nettement plus assumé sur Criminal, plus mélodique aussi. Ce qui pourrait alors passer pour un assouplissement ou une inflexion est contrebalancé par un rendu sonore plus brut et plus immédiat que sur Deeper. Là ou Deeper fonctionnait comme un véritable mille-feuille jouant sur la profusion de petits détails et une vertigineuse profondeur de champ, Criminal resserre la focale. Le son est plus concassé et métallique, à tel point que l’on l’impression d’avoir en miniature des petites concrétions dont on serait bien en peine d’isoler ou de détacher mentalement un élément. Un album qui s’appréhende aussi différemment de Deeper. Ce dernier jouait sur la vision d'ensemble alors que les morceaux de Criminal peuvent s’apprécier de manière plus isolée, sans parler de collection hétéroclite car l'unité de ton et de forme est bien présente.  

On évitera de faire des pronostics sur le futur de The Soft Moon puisque quand on croit avoir touché le fond du fond, Vasquez arrive encore à creuser. Mais ce qui est certain que le groupe fait désormais figure de pièce maîtresse sur l’échiquier des musiques dures et froides. Une musique capable de fédérer un large public et dont Deeper révèle le mieux à ce jour tout le syncrétisme que Luis Vasquez a tenté de véhiculer au travers de ce projet.

Le goût des autres :