Beams
Matthew Dear
Il y a quelque chose de réellement fascinant à suivre la carrière de Matthew Dear, de voir celui que l’on a appris à connaître comme DJ et producteur devenir au fil des réalisations un artiste à part entière. Certes, déjà lorsqu’il retournait les dancefloors à coup de kicks techno sous le nom d’Audion, False ou Jabberjaw, l’Américain s’était forgé une identité forte et reconnaissable. Mais depuis qu’il a décidé de partiellement tourner le dos à cette carrière d’ambianceur patenté, on a vu émerger un électronicien aux amours multiples (machines et instruments, funk et krautrock, techno et electro-pop) qu’il concilie sur des disques souvent impeccables.
Après le synthétique Asa Breed et l’abscons Black City, voilà donc que Matthew Dear nous revient avec Beams, troisième album qui devrait sans trop de problèmes asseoir une bonne fois pour toute sa réputation d’artiste incontournable.
Et même si Matthew Dear reste un type à qui on peut associer une tripotée de noms permettant d’un peu baliser la quête d’informations du badaud paumé (en vrac : LCD Soundsystem, Brian Eno ou TV on the Radio), il nous prouve avec Beams qu’il s’est lentement mais sûrement construit une identité sonore qui lui est propre, un univers à la fois sombre et sobre, pop mais pas trop propre, déviant sans toutefois jamais s’éloigner de la ligne directrice qui habite le disque. Et à ce titre, on peut dire que le natif du Texas atteint une certaine forme de plénitude sur Beams, là où Black City, malgré des qualités évidentes, poussait un peu loin la conceptualisation du projet pour trop souvent sonner comme un magma trop cérébral que pour être vraiment jouissif. Ici par contre, tout est question d’équilibres instables et de savants dosages.
Le cul bien calé entre plusieurs chaises, le pensionnaire de chez Ghostly International mène sa barque avec une assurance qu’on ne lui a jamais connue, et dont la plus belle expression est peut-être incarnée par l’exercice scénique, où Matthew Dear est désormais entouré d’un groupe qui rend son travail plus organique et passionnant que jamais, annonçant déjà les mutations futures dont ce crooner des temps modernes se rendra peut-être coupable sur sa prochaine réalisation. D’ici là, on a ce Beams impeccable pour se féliciter de la permanente mutation que subit l’un des artistes les plus intéressantes de son époque. De notre époque.