Automne Fold
Kangding Ray
Alors que la France électronique continue de se voir représentée par une armée de jeunes larbins ayant fièrement troqué leurs laptops pour des tronçonneuses et leurs imaginaires pour un modèle fordien (s’apparentant plus à un menu de fast-food qu’à celui du Grand Restaurant), Kangding Ray nous revient en force avec un deuxième album palpitant, bien loin des fastes précités. Et on peut sans trop de risque s’estimer heureux de la persévérance de ce producteur indispensable. Mais revenons-en au début.
Notre Français pratique une micro-techno fuyante mais délicate, sèche de ses grésillements et tendues de par ses souffles incertains. Jusque-là, rien de bien étonnant au vu du label sur lequel il officie, à savoir Raster Noton. Ce qui est autrement plus surprenant, c’est la dimension pop qui est insufflée dans chacune des productions du bonhomme : l’ajout de voix murmurées (« A Protest Song », « Idle ») ou de cordes scintillantes (« Apnée ») transgressent à merveille les codes du minimalisme maladif tout en se gardant de respecter le cahier de charges (ma foi bien assez exigeant) du label.
J’en entends déjà crier au scandale, dire que Raster Noton se doit de se concentrer uniquement autour d’un mode de pensée unique, comme si les dépositaires du label étaient contraints de graviter autour des abstractions de Alva Noto ou des équations de Ryoji Ikeda. Mais Automne Fold est une prise de risque définitivement réussie, qui réussit le pari de concilier l’inconciliable en rendant humaine et sensible, au-delà de toute attente possible, cette virée passionnante au cœur de l’infiniment petit. La magie opère instantanément : on aime se perdre dans ces sous-terrains de basses pourtant en apesanteur et se laisser glisser sur des nappes profondément éthérées pendant que des rythmes à géométrie variable dessinent des paysages de gris minute après minute.
Mais sous la patte profondément amoureuse de cet intouchable Français, c’est un label tout entier qui reprend de nouvelles couleurs en acceptant de nouvelles portes d’entrée. Raster Noton fait un des choix les plus marquants de son histoire en acceptant d’ouvrir quelque peu le spectre de ses ambitions, gagnant finalement avec cette nouvelle sortie une crédibilité infinie. Mais il est évident que Kangding Ray ne fait pas, et ne fera sûrement jamais, autant de tapage (mediatique aussi bien qu’auditif, ce qui n’est pas en soi un mal) qu’un Justice ou un Sebastian, sales et alcoolisés. Non, c’est un fait mais Kangding Ray pourra toujours avoir la prétention de dire qu’il a accouché d'une des plus belles productions électroniques de cette année sur le label le plus référencé du milieu. Le choix est vite fait.