Animal Joy

Shearwater

Sub Pop – 2012
par Michael, le 29 mars 2012
7

L’avantage et le problème d’un groupe comme Shearwater, c’est son ambition. Ses aspirations l’ont ainsi toujours maintenu au-dessus de la mêlée du petit monde de la musique indé grâce à des qualités et une soif de liberté peu communes.

Animal Joy pose ainsi à nos oreilles rendues exigeantes par tant de vertus un embarras particulier. Bon déjà, la pochette, hideuse au possible, et tellement hors-sujet par rapport à l’imagerie tellement particulière et personnelle développée par le groupe depuis Rook. Même la typo correspondrait davantage à un album d’emo punk californien de troisième catégorie qu’à l’élégance surréaliste et suggestive à laquelle nous nous étions habitués.

Ensuite, le son. Et d’une manière générale la production. De prime abord, on a l’impression que toutes les subtilités, les textures et les finesses ont été rabotées et poncées au papier verre à gros grain. La signature chez Sub Pop qui aurait-elle déterminé cette nouvelle orientation sonore? Exit donc les cordes et le foisonnement baroque instrumental qui se déchaînait de manière ponctuelle entre les moments d’accalmie pastorale. On sent qu'Animal Joy a été conçu et enregistré autour de la guitare (tendance crade et grasse de PJ Harvey des débuts) et des rythmiques qui adoptent des tempos plus soutenus que par le passé.

Comme on le sait, Jonathan Meiburg est spécialiste en géographie et notamment en ornithologie -  le groupe tire pour rappel son nom d’une espèce d’oiseaux marins. Aurait-il donc craint, tel Icare, de se brûler les ailes à force de côtoyer les cimes et de tutoyer le soleil et aurait décidé de revenir à un son plus terre à terre ? Difficile de dire en tous cas ce qui aura réellement motivé ce changement de braquet et cette orientation musicale plus musclée.

Passée la surprise, on essaie toutefois de considérer les morceaux de manière objective. A la première écoute se fait sentir le désappointement. La richesse et les subtilités habituelles semblent en effet avoir disparues au profit d’une efficacité rythmique et sonique que l’on a du mal à saisir. Il faudra plusieurs écoutes pour rendre un avis plus précis. Les nuances sont là, la qualité des morceaux aussi. C’est l’habillage qui change. Un peu comme si votre tante Jeanne passait du mohair motif pied-de-poule au cuir intégral, tout en restant tatie Jeanne.

On se plaît ainsi au fil de l’album à imaginer ce qu’auraient pu donner ces morceaux sur Rook ou The Golden Archipelago. Cela aurait eu de la gueule ou du moins cela aurait pu tenir la comparaison. D'ailleurs, il n’y a qu’à écouter l’introductif « Animal Life » pour s’en persuader: une ligne vocale taillée comme un escalier en colimaçon. On ne louera d’ailleurs jamais assez les qualités d’interprète de Jonathan Meiburg qui semble avoir atteint un niveau de maîtrise et de perfection technique et émotionelle quasi parfaites, même si la fragilité est un peu moins à l’honneur que sur les opus précédents. Animal Joy est donc un album à apprivoiser, de par sa fougue et ses atours plus bruts, mais qui laisse toutefois assez dubitatif quant aux orientations futures du groupe.

Le goût des autres :
8 Gwen 7 Denis