Allthafa
Leaf House
Il y a quelques semaines, notre rédac’ chef me faisait parvenir un lourd colis de disques avec pour mission d’y débusquer l’éventuelle perle pop dont le nacre lustré nous éblouirait (enfin, dans l’esprit, c’était ça ; il se peut que je déforme ses propos). Il se trouve toutefois que, au cœur de cette masse musicale à digérer, je suis tombé sur quelques solides bouses qui ont considérablement altéré mon tympan et me conduisent à envisager une paracentèse. C’est sans doute pour cela — et en raison, aussi, d’un mois de juin particulièrement chargé — que je n’ai dans un premier temps prêté qu’une oreille distraite à l’EP de Leaf House, Allthafa (et dont l’artwork de la pochette, dû à Bakea, peut déconcerter, il faut bien le dire). Pourtant, en me retrouvant samedi soir dans une Caserne Fonck déserte parmi les sept personnes ayant payé leur billet d’entrée pour assister au concert des Liégeois, qui ouvraient une soirée où se produisaient également les très bons Fastlane Candies, j’ai été à la fois surpris par la façon dont les titres issus d’Allthafa me semblaient familiers et séduit par la capacité des quatre poly-instrumentistes à assumer ceux-ci avec une maîtrise qui rappelle celle de BRNS.
Plusieurs écoutes attentives, par la suite, confirment l’effet d’accroche et l’enthousiasme contagieux des quatre morceaux qui figurent sur ce premier EP. Quatre morceaux, donc : c’est peu, mais c’est suffisant pour imposer sa cohérence et définir un certain horizon d’attente. Revendiquant les influences conjuguées de Caribou, Yeasayer, Grizzly Bear et Devendra Banhart, Leaf House rappelle nettement, dès le morceau liminaire et éponyme de l’EP, la pop décomplexée de Vampire Weekend, tant sur le plan vocal (avec un chant quasi-scandé) qu’au point de vue des arrangements. Par moments — et à plus forte raison sur d’autres titres dévoilés en concert —, le groupe évoque aussi les rythmes enjoués d’Alt-J façon “Dissolve Me”. Sur le morceau “Breakfast”, multipliant les effets de distorsion et proposant une incursion expérimentale dans une perspective breakbeat, on peut même se prendre à penser au math-rock de Battles. Du coup, cela fait tout de même un nombre important de références plus ou moins explicites pour quatre titres, ce qui produit un double effet de catalogage et de pression.
Si les membres de Leaf House avaient été Anglais, le NME se serait déjà chargé de leur consécration depuis un bon moment : comme ils ne le sont pas, ils vont devoir composer avec les inévitables comparaisons et tenter de s’en affranchir. Au vu des qualités dont témoigne ce premier EP, on ne peut que souhaiter leur réussite.