4 Your Eyez Only
J. Cole
Bunch of words and ain't sayin' shit, I hate these rappers
Especially the amateur eight week rappers
Lil' whatever, just another short bus rapper
Fake drug dealers turn tour bus trappers […]
The streets don't fuck with you, you Pitchfork rappers
Chosen by the white man, you hipstor rappers
I reload the clip, then I hit more rappers with that
Straight shittin' on these piss-poor rappers,
I'm back.
Deux ans après avoir accusé Eminem, Justin Timberlake et Macklemore de s’approprier la musique noire, J. Cole ressort les crocs et, cette fois-ci, ce sont les discographies de Lil Uzi Vert et Lil Yachty qui se font croquer à pleines dents. Oui, les paroles de « Everybody Dies » visent clairement à secouer l’ensemble du rap-jeu et à rappeler que lui, Jermaine Cole, a choisi de rester fidèle aux codes traditionnels du hip-hop.
En plus de « Everybody Dies » et « False Prophets » (qui, pour la petite histoire, n’ont même pas été retenus sur la tracklist finale), la promotion de 4 Your Eyez Only est également appuyée par un documentaire de 39 minutes, sobrement intitulé Eyez. Ce reportage nous plonge au cœur de l’enregistrement de ce 4ème LP dans lequel on voit le rappeur de Fayetteville s’impliquer dans l'ensemble du processus créatif: il supervise l’enregistrement des violons du sublime « She’s Mine Pt. 1 », il encourage ses chanteurs, il accompagne son pianiste et son saxophoniste jusqu’à perfectionner la moindre note ... Clairement, J. Cole préfère être enfermé dans son studio d’enregistrement plutôt que dans un club à claquer des benjamins sur des boules siliconés. Et il profite de ce nouveau disque pour adresser ouvertement sa relation compliquée avec la célébrité.
Fuck the fame and the fortune, well, maybe not the fortune
But one thing is for sure though, the fame is exhaustin'
That's why I moved away, I needed privacy
Quand il n'est pas en tournée, J. Cole hiberne et ne se révèle que quand le moment lui semble adéquat. Tel Kendrick Lamar sur To Pimp A Butterfly, il cherche avant tout un équilibre entre la reconnaissance artistique et le respect de sa vie privée. Et dans cette difficile quête, durant laquelle les remises en question sont nombreuses, c’est bien sur l’amour qui le sauve.
I’ve fallen in love for the first time
I wanna cry and I ain’t even tryna fight it
Don’t wanna die (I don’t wanna die no more)
Cause now you’re here.
L'affection, la tendresse et les liaisons sentimentales représentent la colonne vertébrale de ce nouvel album. Quand 2014 Forest Hill Drive était une autobiographie parfois légère de la vie de Jermaine Cole, 4 Your Eyez Only parvient à retranscrire des émotions bien plus intenses, tantôt en abordant de simples sujets de la vie quotidienne - l’improbable et génialissime « Folding Your Clothes » qui raconte comment J. Cole adore plier le linge propre de sa fiancée - tantôt en racontant des histoires poignantes comme celle de James McMillan Jr. Car si on analyse en profondeur les textes de ce 4 Your Eyez Only, on remarque que l’album est le récit biographique de James McMillian Jr. Soi-disant ami d’enfance de J. Cole, ce vendeur de crack aux pulsions suicidaires, incarcéré et instable, a une fille prénommée Nina. La dernière piste éponyme de l’album dévoile que James, emmêlé dans de sombres histoires de trafic de drogue, se fait trahir et tuer par balles à l’âge de 22 ans. On apprend alors que 4 Your Eyez Only a, en réalité, été entièrement enregistré pour Nina, afin qu’elle puisse honorer la mémoire de son père - on vous renvoie vers Genius pour l’analyse approfondie de cette narration cachée.
Write my story down and if I pass
Go play it for my daughter when she ready
And so I’m leaving you this record, for your eyes only
À travers l’histoire de James McMillian Jr et de sa fille Nina, J. Cole aborde de façon frontale les problèmes induits par la politique carcérale américaine (et les réinsertions compliquées) ; il traite également des violences policières, des ravages liés à la consommation de crack ainsi que de nombreuses autres tensions qui déchirent les communautés noires – sa visite à Ferguson en 2014 avait déclenché chez lui cet irrévocable désir d’adresser ouvertement ces sujets.
I dedicate these words to you and all the other children
Affected by the mass incarceration in this nation
That sent your pops to prison when he needed education
Mais 4 Your Eyez Only se démarque avant tout par l’approche originelle de J.Cole. Sa vision du hip-hop, qui se veut noble, poétique et avant tout didactique, suffit amplement à justifier une écoute attentive de ce nouveau LP : en effet, comment ne pas adhérer au message pacifique propagé par un MC qui, au travers de rimes lucides et cohérentes, dénonce sans retenue les phénomènes sociaux qui ravagent des communautés entières ? Comment ne pas aduler un rappeur dont le compte en banque aligne 8 chiffres mais qui choisit de rentrer chez lui en vélo après une longue journée en studio ? Comment ne pas apprécier un gars de 31 ans qui puise son inspiration dans la version japonaise du « Livre de la Jungle » ? Comment, après deux albums d’une qualité extraordinaire, ne pas admettre que J. Cole est tout simplement l’un des meilleurs rappeurs de sa génération ?
And I'm goin' out like Scarface in his last scene
A legend, what that mean?